Qui est la personnalité perverse narcissique, comment l’est-elle devenue, peut-elle changer, y a-t-il plus de femmes ou d’hommes pervers narcissiques, pourquoi et comment les repérer ? C’est à travers un discours pragmatique et simple que je vais tenter de répondre à ces questions.

 

UNE TENDANCE SELON LE GENRE ?

Tout d’abord, il n’y a pas de tendance à devenir pervers narcissique selon le genre : femmes et hommes sont égaux face au risque de développer ce type de personnalité.

 

UN PASSÉ DOULOUREUX… MAIS OUBLIÉ !

La personnalité perverse narcissique s’est construite comme telle en réaction à une blessure affective intense au-delà de ce qui était assimilable. Face à la détresse affective et la douleur émotionnelle survenues dans l’enfance, celle qui va devenir une personnalité perverse narcissique choisit, en réaction, d’anéantir définitivement en elle toute émotion, empathie, bienveillance, soit tout ce qui pourrait lui faire ressentir sa propre vulnérabilité. Dès lors, détachée de son affect, elle ne cherche pas à guérir puisqu’elle n’est plus en contact avec sa douleur émotionnelle.

Cette blessure est souvent liée au fait d’avoir elle-même été victime d’un parent pervers narcissique. Cette situation l’a ensuite amenée à en développer, elle aussi, toutes les caractéristiques, en vue de se défendre de cet agresseur si proche et omniprésent.

 

UN PERSONNAGE INTRIGANT

Le pervers narcissique n’ayant plus de repère émotionnel interne, il se bâtit un personnage dont les émotions paraissent en conséquence inexistantes, artificielles, déplacées ou démesurées. Cette discordance laisse souvent aux autres une impression particulière : certains s’éloignent et se méfient alors que d’autres sont au contraire interpellés, voire même attirés par ce mystère. L’envie de rendre le pervers narcissique cohérent est souvent le piège dans lequel va tomber la victime qui s’ignore encore.  

 

 

DIFFICILE À COMPRENDRE

Il est souvent bien difficile pour les autres de réaliser l’aspect absolutiste de l’éradication de toute émotion, empathie ou bienveillance chez le pervers narcissique. En effet, comment imaginer que quelqu’un ne cache pas, même bien au fond de lui-même, un brin de gentillesse ? Comment parvenir à concevoir que quelqu’un puisse ne pas aimer sa femme, son mari, ses enfants,… ? Le pervers narcissique ne s’attache pas sentimentalement. Ses seules attaches, si attaches il y a, sont sécuritaires. Elles servent à préserver son image : être quelqu’un de bien nécessite d’avoir une épouse, un mari, des enfants, des amis à voir régulièrement, des contacts avec des collègues… 

L’entêtement à chercher la bonté en lui, la persévérance à vouloir rectifier les choses poussent certaines personnes à devenir les victimes toutes désignées du pervers narcissique. À force de nier l’absence (ou devrais-je écrire l’éradication) de toute vie émotionnelle ou cohérence en lui, la victime du pervers narcissique s’enfonce dans une relation destructrice, toxique et y laisse souvent quelques plumes.

 

QU’EN EST-IL EN THÉRAPIE ?

Le pervers narcissique n’ayant pas pu se construire une assise émotionnelle et affective suffisamment solide, il évite de se remettre en question car le gouffre auquel il serait confronté est bien trop vertigineux. Toute sa pseudo-construction serait mise à mal et il s’en trouverait trop profondément déstabilisé. Donc en général, la personnalité perverse narcissique ne vient pas en thérapie, tout simplement parce qu’elle n’en ressent pas le besoin. Si toutefois il lui arrivait de venir exceptionnellement en consultation, ce ne serait que pour faire bonne figure auprès de ceux qui attendent un changement, ou pour prétendre chercher à se remettre en question et progresser, mais sans le faire réellement.

 

POURQUOI EST-CE UTILE DE LE RECONNAÎTRE ?

Dans l’esprit du pervers narcissique, il ne peut exister de transactions gagnant/gagnant. Selon lui, en son for intérieur, s’il y a un gagnant, il y a forcément un perdant. Et pour préserver son image, ceci étant la seule chose qu’il ait un tant soit peu construite, il doit être le gagnant. En toute logique, vous serez donc automatiquement le perdant, face à lui. C’est l’illustration de l’aspect narcissique du pervers narcissique. Ses actions et interventions sont guidées par son propre profit, son avantage, y compris si ça ressemble à première vue à une démarche altruiste. Il est mû par le besoin quasi-vital de préserver son image narcissique et ressent la nécessité de vous faire perdre face à lui. Il ne peut concevoir qu’il y ait deux gagnants.

Le volet pervers du pervers narcissique est illustré par le fait que, pour lui, tous les coups sont permis. Il n’y a pas de principes, de valeurs, ni d’engagement qui tiennent plus que la préservation maladive de son ego. Il n’y a donc pas de limites à ce qu’il va infliger aux autres pour son propre bénéfice.

Et quand je parle de bénéfice, en réalité, il ne s’agit que de pures manoeuvres servant à le protéger, à préserver son image si fragile qui a été radicalement abîmée par une relation extrêmement toxique dans son enfance. Mais personne n’aura jamais accès à sa part blessée car cela signifierait devoir révéler sa nature fondamentalement vulnérable, ce qui lui paraît bien trop dangereux. 

En conséquence, le pervers narcissique ne peut envisager que vous ressortiez gagnant de vos échanges. Vous devez être le perdant pour qu’il puisse être le gagnant et préserver son ego, coûte que coûte. Dans la mesure où, pour lui, tous les coups lui sont permis, il s’ensuivra une relation dont la toxicité sera sans limites.

 

 

 

COMMENT LES RECONNAÎTRE ?

Les manoeuvres de la personnalité perverse narcissique sont identifiables et nous allons les passer en revue dans cet article. Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que nous pratiquons tous certaines de ces manœuvres à des degrés divers. Que vous retrouviez en vous ou chez d’autres certains de ces critères ne signifie en aucun cas que vous êtes vous-même ou avez affaire à un pervers narcissique. 

Il est délicat de définir avec précision combien de critères il est nécessaire de remplir pour être qualifié de “pervers narcissique” tant les nuances dans les mots peuvent être grandes, et les appréciations, subjectives. Oserais-je m’avancer à dire que si le seuil critique des 20 critères est atteint sans équivoque, par un oui franc, on peut raisonnablement penser qu’on a affaire à un pervers narcissique…? Je laisse ceci à votre appréciation, cher lecteur.

Voici donc 46 critères qui doivent éveiller l’attention de ceux qui se demandent s’ils sont en présence d’un pervers narcissique/ d’une perverse narcissique.

1. Il parle de manière équivoque pour avoir la possibilité de changer son intention à loisir.

2. Il répond souvent de façon floue, utilise des mots vagues et ne clarifie pas sa pensée.

3. Il est agacé par vos demandes de précision, de clarification.

4. Il pose une question dans laquelle on pressent une demande.

5. À vos questions, il répond par une question. (- … ?  – À votre avis ?)

6. Il change soudain de sujet au cours d’une conversation.

7. Il ment.

8. Il répond systématiquement à un reproche en vous en adressant un autre en retour.

9. Il est réticent à promettre quelque chose.

10. Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses opinions, ses sentiments.

11. Il invoque des raisonnements déformés pour justifier ses demandes.

12. Il prêche le faux pour savoir le vrai, déforme et interprète.

13. Il utilise un jargon spécifique (de spécialiste) ou fait du name dropping (comme pour souligner votre ignorance)

14. Il fait passer ses messages par autrui ou par des intermédiaires (téléphone, note écrite, mail…)

15. Il utilise très souvent le dernier moment pour demander, ordonner ou faire agir quelqu’un.

16. Il utilise soudain la flatterie, les cadeaux ou se met aux petits soins pour nous.

17. Il menace de façon déguisée.

18. Il fait un chantage ouvert.

19. Il évite l’entretien, la réunion, la conversation.

20. Il met en doute les compétences, les qualités, la personnalité : il critique subtilement, dévalorise et juge, en particulier dans une conversation en tête-à-tête.

21. Il change du tout au tout ses opinions et ses comportements en fonction des situations ou des gens avec qui il se trouve.

22. Son discours paraît logique et cohérent alors que ses attitudes, ses actes ou son mode de vie répondent au schéma opposé.

23. Son volume de voix est souvent inadapté (soit trop fort, soit trop faible).

24. Il a souvent une attitude soit imposante, soit effacée.

25. Son regard est souvent soit fuyant, soit dominateur.

26. Il laisse supposer que les autres doivent être parfaits, doivent tout savoir, ne jamais changer d’avis et répondre immédiatement aux questions.

27. Il culpabilise les autres au nom du lien familial, de l’amitié, de l’amour, de la conscience professionnelle,…

28. Il utilise les principes moraux des autres pour son bénéfice (notion d’humanité, de générosité, de ” bonne” ou “mauvaise” mère,…)

29. Il utilise vos croyances (je n’ai pas le droit, je dois, je suis en faute,…) pour vous culpabiliser ou pour son bénéfice.

30. Il ne tient pas compte des droits, besoins, désirs, demandes des autres.

31. Il s’arrange pour passer pour victime et qu’on le plaigne (maladie exagérée, surcharge de travail, entourage difficile,…)

32. Il reporte sa responsabilité sur les autres ou se démet de ses propres responsabilités (de parent, de patron, d’employé,…)

33. Il ne prend pas les décisions qui lui incombent, s’arrange pour les faire prendre par les autres, ensuite leur fait des reproches si ça tourne mal ou en tire les honneurs si ça tourne bien.

34. Il nie les évidences.

35. Il ignore les demandes, même s’il dit s’en occuper.

36. Il met devant le fait accompli.

37. Il ne présente pas ses excuses et trouve des prétextes pour se justifier.

38. Il vous fait faire des choses que vous n’auriez probablement pas faites de votre plein gré.

39. Il vous jalouse pour vos qualités.

40. Il peut être jaloux, même en tant que parent, ou ami.

41. Il crée la suspicion, sème la zizanie et peut provoquer la rupture d’une relation.

42. Il est souvent l’objet de discussion entre gens qui le connaissent.

43. Sa présence peut provoquer un état de malaise, il vous donne l’impression d’être « pris au piège ».

44. Il affecte d’être à l’aise dans des situations inhabituelles, dans un contexte qui lui est inconnu.

45. Vos amis ne l’apprécient pas, le trouvent bizarre, ne le « sentent » pas.

46. Il est efficace pour atteindre ses propres buts, même si c’est aux dépens d’autrui.

La plupart d’entre nous avons rencontré une personnalité perverse narcissique un jour ou l’autre. En devenir la victime touche plus souvent les personnes intelligentes, qui tiennent à convaincre, à défendre leurs valeurs, leurs principes, mais qui manquent également d’assurance, sont en manque de reconnaissance ou de contacts sociaux.  Sortir d’une relation toxique et s’en prémunir peut être difficile mais salutaire.

S’assurer de ne plus être la proie d’un pervers narcissique nécessite de développer de l’assurance, se connaitre et identifier ses propres manques, s’apprécier soi-même et s’estimer. La personnalité perverse narcissique évite les personnes ayant cette assurance car elle ne sait pas « comment les prendre ».

Il convient également de parvenir à discerner les limites de votre influence sur les autres. Car si, en phase d’approche, le pervers narcissique peut faire mine d’être ouvert, voire influençable, ce n’est que pour mieux vous connaitre et affuter ses outils pour nourrir son ego, à travers vous, dans le futur.

 

ALICE DE DUVE, psychologue et formatrice

septembre 2019

 

 

Alice de Duve, psychologue et formatrice

Estime de soi – Émotions – Relations saines –  Désir de vivre